Silas, c'était le cri de la liberté.
Celui qui aurait pu fredonner du Saez sur les sentiers s'il avait été français. Celui qui, malgré les obstacles, aurait continué à marcher. Il aurait pu être comme cette chanson qu'on écoute tous sur la banquette arrière d'un cabriolet délavé, lorsqu'on part en vacances, l'été, balayé par un ciel torride et son soleil de plomb, avec des Stephan ou des Mélanie, leurs ray-ban sur le nez, tandis que leurs rires éclaboussent l'air chaud.
Sauf que Silas est arrivé autrement.
Il avait l'air un peu con, Silas, quand il était arrivé à Londres. Il avait ressenti le besoin de changer de ville, de changer d'endroit. De changer de vie. Alors il était parti de sa belle maison à Londres et avait décidé de s'accrocher à Liverpool. Pour finalement revenir dans sa ville natale.
Londres.Il avait l'air un peu con, Silas, avec son prénom étrange. « Si-las. » Il n'aimait pas son prénom. Il n'aimait pas ses deux prénoms.
Il avait l'air un peu con, Silas, avec son air enjoué. Il était comme un enfant qui avait grandi trop vite. Il avait besoin de tout voir. Sans doute pour ça qu'il est parti de chez lui dès qu'il eut l'âge de prendre les décisions que prennent les adolescents sur un coup de tête.
Il était un peu con, Silas, en fait.
Il n'avait jamais été simple, Silas. Imprévisible, il se lassait un peu vite de ces choses. Peut-être parce qu'il allait trop vite et qu'à son goût la Terre tournait trop lentement ; peut-être qu'il allait trop vite et que les autres allaient trop lentement ; peut-être qu'il n'allait pas assez lentement et que les autres ne pouvaient pas le suivre. Peu-être qu'il aurait dû faire plus attention aux autres. Silas n'a, à ce qu'il sache, jamais prêté beaucoup d'attention aux autres. Il ne fait pas attention à tout, mais seulement les choses les plus importantes. Il n'est pas méchant ; il n'est pas forcément gentil non plus. Il oscille entre les deux.
Il n'a jamais pensé qu'il était quelqu'un de bien.
Il se laissait facilement aller. Boites de nuit, fêtes, il adorait tout ça. Mais il avait un gros souci ; la flemme. Il avait la flemme de sortir, de se changer, de manger ; et j'en passe. Alors il restait dans son lit avec une belle gueule de bois - preuve de la soirée. Mais la flemme n'avait pas d'emprise sur une chose ; son envie de voyager. Silas prévoyait des voyages, regardait les agences de tourisme, pour au final regarder une carte postale. Il aurait bien voulu tout quitter et partir, Silas. Mais il avait des choses qu'il ne pouvait pas laisser comme ça, derrière lui.
Et pourtant, il vomissait sa liberté.
Il restait malgré tout quelqu'un de sympathique, même si son physique affirmait le contraire. Il rigole facilement, sort des conneries. Mais il reste franc. Tellement franc que des fois, c'en est blessant. Mais il ne s'en rend pas compte, occupé à allumer sa clope.
Silas était insouciant.
Peut-être que ne pas avoir connu sa famille l'avait fait devenir comme ça. Peut-être parce que son enfance n'avait jamais commencée. Alors il vivait au jour le jour. Quand il a découvert Insomnia, il eut d'abord du mal à y croire. A présent, il n'y croit toujours pas. Un monde pareil, c'était impensable.
‹ On connaît tous un gamin, ce petit garçon blond, qui rit sous la pluie. Un petit rire doux, gonflé d'espoir et de joie simple. Ce rire chaud que l'on aimerait conserver, ne jamais oublier. ›
Silas, c'était ce rire d'enfant.
Il toussa et ouvrit difficilement les yeux, avant de les refermer aussitôt. La lumière lui faisait mal. Des questions se bousculaient dans sa tête ; quelle heure était-il ? Où est-ce qu'il était ? Se relevant gauchement, il se tint les côtes. C'était un endroit qu'il n'avait jamais vu. Un rêve, c'était un rêve. Silas se pinça le bras, se donna une petit claque sur le joue ; mais rien n'y fit. C'était réel. Il se souvenait en quelque sorte de ce qui s'était passé la veille. Rentré tard après une fête, il s'était couché sur son lit, habillé. Et il se trouvait ici, dans un endroit qu'il ne connaissait pas. C'était une blague. Il passa une main dans ses cheveux, s'humécta les lèvres, puis fouilla dans sa poche de jean. Il avait toujours un briquet et un paquet de clopes sur lui. Mais rien.
« Raah, putain. C'quoi ce cirque ? »
Il en avait plus que marre de cet endroit. Bien décidé à s'en aller, il se retourna, cherchant du regard une quelconque issue, quand il vit qu'il n'était pas seul. Il étouffa un juron et alla vers la silhouette, non sans avoir mis la veste qui avait été posée à côté de lui.
« On m'explique ? »
Il n'avait pas envie d'être poli et comptait bien avoir une réponse.