Il était une fois un petit garçon qui avait envie d'apprendre à lire dès deux ans. Malheureusement pour lui, la clé de ce savoir lui était refusée sous prétexte de son jeune âge. Frustré, il jalousait ses aînés de posséder cette richesse dont il était privé.

Il apprit donc seul, comme un grand. En tirant bien fort la langue à ses parents.

Le gamin était différent des autres. Trop mature. Il vivait avec pour seule amie ses livres et son imagination. Ainsi que les horreurs que purent lui jeter à la figure ses camarades. A force de se faire persécuter, il crut que c'était de sa faute. Et commença à se renfermer encore plus sur lui-même. Le pire devait encore survenir...
Il sauta une classe, reconnu comme petit génie, notamment en écriture.
Car il était doué.
Et pour lui, ce n'était pas un travail, mais une passion.

10 ans plus tard...

- Hé Joé, tu vas dans quelle série toi ?

- L ! La meilleure du monde... T'imagines ? Plus de maths de toute ma vie !

- Pff bon courage hein parce que la L... J'espère pour toi que tu sais ce que tu veux devenir !

Evidemment que je le sais, imbécile...

Depuis mon plus jeune âge où j'écrivais des pièces qu'on jouait avec les cousins, je sais ce que je veux faire.
La scène sera ma vie.
Je veux être acteur/scénariste/écrivain. Et rien ne m'en empêchera. Pas même mes bornés de parents.
Qui voulaient que je sois avocat.
Immense blague !
Vu comment je suis désordonné, ça va pas être possible...
Je sifflotais, tout joyeux.
J'ai toute la vie devant moi... alors si je veux faire ce qu'il me plaît, je le fais !

2 ans plus tard...

Je fête aujourd'hui ma majorité. Enfin la liberté ! Si je pouvais, je deviendrais comme Rimbaud, un homme aux semelles de vent...
J'ai passé mon bac avec mention très bien. Sans surprise. Cela fait un an que je suis en licence de lettres et que je suis un des cours de théâtre les plus prisés de Paris, où je suis en pension. Pour cela, j'ai abandonné ma famille chez moi, au bord de la mer australienne, et je suis allé m'enfermer dans les sombres et âcres fumées de la Capitale.
Où curieusement, tout est gris.
Le deviendrais-je ?

J'ouvre les yeux. Je suis seul, entouré de néant. J'ai l'impression de flotter dans une atmosphère palpable.

Plic, ploc.

Le bruit d'une goutte qui tombe. Une goutte de quoi ?
Une goutte de papier.
Mais ça n'existe pas !
Et alors ?
Aurais-je pris de la drogue ?
...Nan je penses pas. C'est vraiment pas mon genre.
Alors pourquoi est-ce que je me parles ?
Parce que t'as vraiment aucune vie sociale, bouffon ! T'as abandonné tes proches, tes koalas mangeurs d'eucalyptus, tes mirifiques kangourous, et t'as même perdu ta couleur !
Ma couleur ?

Plic, ploc.

C'est vrai. Maintenant je le sens. Je suis en train de m'estomper. Comme un croquis qu'on efface du bout de sa gomme.

Stoooooooopppppp !!!

C'est moi qui suis en train de crier ? Pourquoi est-ce que j'ai l'impression d'être là mais sans être là ?! Pourquoi mon corps ne m'obéit même plus ? Pourquoi suis-je déconnecté de ma propre personne ?

BAM !!!!

Que se passe-t'il ?
Je ressens une présence. Indescriptible. Et soudain... je vois.
Le rideau tombe.
Un tonnerre d'applaudissements.
Clap clap clap.

" C'est... pour moi ?..."

Tous ces inconnus qui me regardent béats, le sourire figé, les yeux exorbités, m'acclament. Dans ce qui semble être un théâtre.
Mon théâtre ?
Puis... j'observe.
Ils sont tous reliés à des fils. Ce ne sont que des pantins qui me narguent, qui me glacent le sang avec leur clameur hypocrite.
De simples marionnettes, comme celles que je possédais étant enfant.
Le lustre tombe, la glace se brise, et de nouveau le néant.
J'ai mal.
J'ouvre les yeux.
De l'air salé s'engouffre dans mes poumons, du sable m'irrite les yeux. Je suis allongé au bord de la mer.
Pourquoi ?
Je dessine avec un bâtonnet des symboles dénués de sens, machinalement. Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour une bonne cigaret...
Tiens, je suis en train de fumer...
Hum hum.
Mais où est-ce que je peux bien être ?